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La formation continue : une priorité très discrète.

Communiqué de l’Adirem du 19 octobre 2023
CHABANOL Marie-Line, jeudi 19 octobre 2023

Vers une dégradation de la qualité des formations et une diminution du nombre d'enseignants formés.

Communiqué de l’Assemblée des Directeurs d’IREM du 19 octobre 2023

La formation continue : une priorité très discrète.

Une récente directive du ministère de l’Éducation Nationale impose que les formations continues des enseignants du secondaire soient organisées en dehors du temps prévu pour le face-à-face pédagogique avec les élèves. Annoncée cet été alors que les emplois du temps étaient déjà en grande partie décidés, cette directive cantonne les formations aux vacances scolaires, aux mercredis après-midi, ou aux soirées en visio-conférence.

Si nous comprenons l’importance de mettre un enseignant devant chaque élève, nous regrettons que la formation continue des enseignants soit considérée comme une variable d’ajustement sur laquelle on fait peser des contraintes administratives qui réduiront fortement son efficacité.

Parce que les formations seront réduites en temps et en qualité :  

• Le distanciel va s’imposer avec comme conséquence une dégradation des conditions d’accès et de la qualité des formations proposées
• le format moyen d’une à deux journées complètes, déjà dégradé par rapport à la nécessaire appropriation des apports, permettait cependant une réelle immersion dans la formation, que ne permetttront pas des stages par demi-journées de même durée. De plus certaines académies limitent maintenant la durée totale des stages (hors préparation de concours) en présentiel à 6h.
• Le format en demi-journées multiplie des déplacements parfois longs qui mettent les stagiaires dans de moins bonnes conditions pour profiter de leur formation et défavorise les territoires les plus éloignés des lieux de formation. Ce sera systématiquement le cas si toutes les formations se déroulent le mercredi après-midi, après une matinée passée à enseigner.
• Multiplier des sessions en visioconférence de 1h30 en soirée n’est pas une bonne solution : d’une part cela ne donne pas le temps de se concentrer sur un sujet, d’autre part cela ne permet pas des échanges satisfaisants entre stagiaires.

Parce que moins d’enseignants pourront s’inscrire :

• Les nombreux enseignants qui travaillent le mercredi après-midi auront plus de difficultés à se libérer car ils seront plus difficiles à remplacer.
• Les enseignants devant composer avec une charge familiale, risquent de ne pas se porter volontaires pour ces formations le mercredi après-midi. Malheureusement, ceci concerne plus particulièrement les femmes.

Parce que moins de formations seront ouvertes :

• Les mercredis après-midi étant déjà largement occupés par les formations obligatoires, il reste peu de demi-journées disponibles pour les formations proposées dans les programmes académiques de formation.
• Faute d’un nombre suffisant d’inscrits (les contraintes précédentes induisant une baisse), certains thèmes de stage et certains lieux de stage risquent de ne plus être proposés. Les enseignants de ces établissements auront donc une offre de formation réduite. Certaines formations seront annulées.
• Le ministère recommande d’organiser et de rémunérer la formation pendant les vacances scolaires, mais les rectorats, faute de moyens, renoncent à les organiser, voire tentent de supprimer celles qui étaient déjà organisées sur ces périodes.
La formation continue est un droit reconnu. D’après le rapport de l’Inspection Générale de 2018, la formation continue des enseignants devrait être une priorité : « Il convient d’engager les enseignants à se former pour deux raisons principales : la réussite des élèves dont ils ont la charge, mais également leur propre épanouissement professionnel et personnel. Ces deux aspects contribuant à améliorer l’image du métier d’enseignant, et par voie de conséquence son attractivité ».

Tout au contraire, cette directive va entraîner la diminution du nombre d’enseignants formés et une moindre qualité de leur formation. Si les formations sont réduites à des fragments éparpillés tant bien que mal en dehors du temps passé devant les élèves, le risque que les enseignants déjà débordés les perçoivent comme une charge supplémentaire est élevé. En particulier, les enseignants débutants, qui ont spécialement besoin de formation, risquent de ne pas être volontaires pour y participer. De plus, dans certaines académies, le temps de formation continue annuel est passé de 36h maximum par enseignant à 24h. Enfin, imposer aux enseignants de suivre leurs formations à distance, pour garantir le face-à-face devant leurs élèves, n’est-il pas quelque peu contradictoire ?

Mais surtout, cette directive semble accréditer le fait que la formation des enseignants représente du temps perdu pour l’institution. Rappelons que, pendant une formation, les enseignants ne sont pas en vacances ! Le temps de formation est un temps de travail qui contribue directement à l’expertise et à l’activité de l’enseignant en classe, et bénéficie aussi bien à l’institution et aux élèves. Il devrait être intégré dans les emplois du temps dès le début de l’année scolaire et donner lieu à une décharge d’enseignement, elle aussi planifiée.

À une époque où le métier d’enseignant souffre d’un manque d’attractivité, où les jeunes collègues démissionnent, était-il opportun de désorganiser ainsi le peu de formation existant et de dégrader les conditions de travail des enseignants ?

Ces nouvelles contraintes pesant sur l’organisation des formations compliquent aussi considérablement le travail des formateurs et des IREM au point que, pour certains groupes IREM, la possibilité de se réunir est remise en cause. Qu’en sera-t-il de plus quand les membres de ces groupes devront choisir entre se réunir et proposer des formations à leurs collègues, ce qui est pourtant souvent l’objectif des groupes ?
De plus, la nécessité de maintenir le face-à-face pédagogique menace d’autres activités pédagogiques comme les participations de groupes d’élèves à des ateliers se déroulant en dehors de leur établissement (journées Filles et Maths-info, stages Hippocampe, congrès MATh.en.JEANS, journée de visite scientifique, etc.). Ces actions sont en effet encadrées par des enseignants qui ne peuvent pas assurer leurs cours ces jours-là. Leur rajouter des difficultés risque de décourager les enseignants volontaires qui acceptent de s’engager dans ce type d’activités.

Les IREM réaffirment que la formation continue des enseignants est un droit. La développer, en améliorer l’organisation pour qu’elle soit accessible à tous doit être une priorité, qui nécessite des moyens et une réflexion bien en amont de la rentrée scolaire.


Documents joints :

Communique_FormationContinue_octobre2023
19 octobre 2023 - PDF 50 ko

 
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