« Le problème du recrutement des enseignants de mathématiques est extrêmement préoccupant, sinon très grave. Le manque d'enseignants dans cette matière est très important, comme en témoignent l’effectif élevé de contractuels embauchés dans les académies et le nombre important de postes aux différents concours.
Malgré tout, le nombre de candidats et notamment de candidats bien formés est exceptionnellement faible. » Il apparaît que le vivier d’admissibles à l’agrégation est très restreint. Dans des lignes analogues, le 10 septembre sur le Café pédagogique, Éric Barbazo, président de l’APMEP disait « non à discrimination positive pour recruter les enseignants », préférant un pré-recrutement précoce des futurs professeurs en deuxième année à l’université.
Aussi, « il est urgent de prendre des mesures pour les mathématiques », déclaraient conjointement la présidente et deux anciens présidents du Conseil scientifique des IREM dans L’Humanité. L’apparition de ce thème cher aux IREM dans la presse généraliste n’est pas isolé, comme en témoigne cette revue de presse qui pourtant s’arrête au 1er septembre, avant la rentrée.
La prise de conscience dans la société avance, donc : est-ce que cela ira assez vite ?
Quelques chiffres clés
Concours | Nombre de places | Inscrits | Présents aux épreuves écrites | Admissibles | Reçus |
Agrégation interne | 125 | 2324 | 1589 | 281 | 125 |
Agrégation externe | 308 | 2673 | 1163 | 571 | 308 |
Capes interne | 155 | 1744 | 881* | 352 | 155 |
Capes externe | 950 | 3194 | 1464 | 1176 | 652 |
*Depuis le concours 2012, il n’y a plus à proprement parler d’épreuve écrite au CAPES interne.
Afin d’avoir un point de vue un peu global sur ces recrutements, il est important de regarder comment, au sein des catégories relatives à l’agrégation externe (admissibles, admis, admissibles non admis), se répartissent les candidats eu égard à leur position pour les autres concours de recrutement (agrégation interne, CAPES).
Il en résulte le tableau suivant :
Admissibles agrég. ext. | Admis agrég. ext. | Admissibles non admis | |
Admissibles agrég. ext. | 571 | 308 | 263 |
Admissibles agrég. int. | 51 | 8 | 43 |
Admis agrég. int. | 28 | 2 | 26 |
Admissibles CAPES ext. | 116 | 78 | 38 |
Admis CAPES ext. | 103 | 75 | 28 |
Admis CAPES depuis 2007 | 47 | 16 | 31 |
Analyse de ces données
On doit tout d’abord relever que, sur les 652 reçus au CAPES, 75 sont simultanément reçus à l’agrégation, donc seulement 577 d’entre eux viendront occuper des postes mis au concours du CAPES (sur 950 postes, ceci fait un taux réel d’admission de 61% seulement).
Il ressort par ailleurs de ces chiffres clés que le vivier des candidats aux différents concours est très restreint. On a pu entendre ou lire dans la presse qu’il était envisagé comme solution, face à l’insuffisance des recrutements dus aux concours de 2012, que l’on accorde le CAPES aux admissibles à l’agrégation ayant échoué à l’oral. Je vais tâcher d’estimer l’effectif, en mathématiques, de l’ensemble des candidats concernés ; il apparaît qu’il reste très limité.
263 admissibles à l’agrégation externe ont échoué à l’oral. Parmi eux :
Les candidats non repérés dans ces publics sont donc 161. Mais il serait illusoire de penser qu’il s’agit en totalité de candidats au CAPES qui y ont été collés et seraient donc susceptibles de bénéficier de la mesure envisagée. En effet nombre d’entre eux peuvent être des enseignants déjà en exercice.
Je ne peux à cet égard que faire des hypothèses sur la base des collés de l’académie de Montpellier, au nombre de 15 ; parmi eux, 9 au moins sont ainsi déjà en exercice. Si l’on considère que la situation de cette académie n’a rien de singulier, on en déduit qu’il est fort probable que sur les 161 personnes dénombrées ci-dessus, seulement un tiers environ, soit environ une cinquantaine, ne seraient pas déjà des enseignants en exercice. Et parmi eux peuvent figurer des personnes admissibles au CAPES et à l’agrégation et qui ont été collées aux deux concours ; quel sens cela aurait-il de les recevoir alors que les deux jurys les ont jugés inaptes ?
Conclusion
Le problème du recrutement des enseignants de mathématiques est extrêmement préoccupant, sinon très grave. Le manque d’enseignants dans cette matière est très important, comme en témoignent l’effectif élevé de contractuels embauchés dans les académies et le nombre important de postes aux différents concours. Malgré tout, le nombre de candidats et notamment de candidats bien formés est exceptionnellement faible, comme le montrent les données rassemblées et mises en forme par Pierre Arnoux : le nombre de candidats au CAPES est au niveau de ceux de la fin des années 60 et du milieu des années 80 !
Beaucoup plus inquiétant est le potentiel prévisible de candidats pour les années à venir. Avec la réforme dite de la mastérisation, les étudiants doivent s’engager dans un cursus en 5 années avant de pouvoir imaginer devenir enseignant après une formation et un concours très exigeants. Or, nous constatons dans toutes les universités un niveau historiquement faible du nombre d’étudiants inscrits dans les filières de mathématiques et ceci dès la première année de licence ! Il est plus que temps de tirer une nouvelle fois un signal d’alarme sur cette situation qui ne changera pas dans les 5 années à venir compte tenu du vivier repéré actuellement dans les universités. Bien sur, la crise économique peut éventuellement attirer vers ces métiers des personnels diplômés d’autres professions (par exemple des ingénieurs) en difficulté sur le marché de l’emploi, mais sans aucune formation au métier, ou encore, comme c’est aujourd’hui le cas, orienter vers les mathématiques des enseignants d’autres disciplines scientifiques, mais ces ressources sont restreintes et seront rapidement taries.
Il est donc urgent de demander une politique offensive de recrutement et de pré-recrutement très en amont des masters. La deuxième année de licence est très certainement le bon niveau pour ce pré-recrutement. Une politique de pré-recrutement et de remise en place de la formation aura des effets rapides, on le sait par les précédents historiques.
Un point crucial est de replacer le concours en fin de quatrième, voire troisième année (fin de L3 ou de M1) d’études universitaires. En effet sa place actuelle est un facteur très important dans la chute des effectifs, nombre d’étudiants ne pouvant pas attendre 5 ans pour être fixés.
Aux critiques éventuelles sur le coût de telles mesures, on peut répondre en dénonçant le coût bien plus exorbitant de générations d’enfants mal formés, dans des conditions d’enseignement dégradées, avec des enseignants au faible niveau de compétences. Il est encore temps de réagir, mais la route sera longue.
Montpellier, le 27 juillet 2012
Nicolas Saby
Président de l’ADIREM
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